Un jour, un parcours: Jéhanne,20 ans, en DUT Métiers du Livre et du patrimoine : orthophonie, (ré)orientation, elle raconte tout !
J'ai rencontré Jéhanne sur Twitter à l'époque où j'y passais le plus clair de mon temps -je me soigne-. Nous avons eu l'occasion de s'ajouter mutuellement sur d'autres réseaux sociaux, mais je n'ai jamais réellement pris le temps de m'intéresser à son parcours scolaire, et je l'imaginais encore en orthophonie, une voie qui m'avait momentanément intéressée! Elle a eu la gentillesse de revenir courageusement sur son parcours, ses doutes, ses réorientations et m'a même avoué que ce petit retour dans le passé lui a fait du bien !
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Une partie de la bibliothèque de Jéhanne : j'adore les livres des autres ! |
Pourquoi le bac L ?
Assez tôt en Seconde, j’ai commencé
à penser à mon orientation. J’avais déjà de vagues idées, comme Professeure des
École en maternelle, libraire ou bibliothécaire. Mais, suite au stage de 3ème,
que j’avais effectué dans un cabinet de groupe en orthophonie, je me suis
intéressée à ce métier et à l’éventualité de le pratiquer. J’ai donc tout
naturellement commencé à me demander quel serait le choix le plus judicieux en
termes d’orientation après la 2de. Le concours est accessible sans restriction
si ce n’est d’avoir le bac, mais les études étant relativement scientifiques
(biologie, neurologie…) il est tout de même préférable d’avoir certaines
notions. Si j’avais pu, j’aurais probablement fait S ; or je n’ai jamais
été douée en maths et en physique-chimie. La section Littéraire était celle qui
m’attirait le plus, j’ai toujours aimé le français, la littérature, l’histoire,
l’anglais… et j’étais sûre de m’y plaire. J’ai donc décrété que j’irai en L, et
que je tenterai ma chance dans les études qui me plaisaient, coûte que coûte.
Quelles difficultés ?
Pour être honnête, je n’ai pas eu
de réelle difficulté. La plupart du travail que nous avions à faire me
plaisait, même si les commentaires composés de français et les études
analytiques me paraissaient particulièrement fastidieux. Même les matières
scientifiques, qui étaient très condensées (ma génération a eu le privilège de
servir de cobaye à bon nombre de réformes de l’Education, dont celle concernant
l’abandon total des maths en L ainsi que de la réduction du nombre d’heure de
physique-chimie et de SVT en 1ère, puis leur disparition en Terminale)
m’ont parues abordables.
Quel conseil aux bacheliers ?
Le seul conseil que je peux donner
et celui que j’aurais dû suivre dès le début : s’organiser et préparer le
travail à l’avance. J’ai passé mon lycée à faire les choses à la dernière
minute et ce fut assez fatiguant, alors qu’il est beaucoup plus facile de
travailler sereinement lorsqu’on s’organise correctement. Ne pas attendre la
veille pour faire les dissertations, préparer les exposés bien en amont et, si
c’est possible, étaler les dates d’exposé dans le temps plutôt que de toujours
prendre la date la plus tardive : on se rend vite compte que, si on est
tranquille pendant un long moment, toutes les dates finissent par arriver d’un
coup et on a du mal à s’en dépêtrer.
Etais-tu sûre du métier que tu
voulais faire en faisant tes choix APB ?
En Terminale, j’ai donc commencé à
considérer sérieusement l’option de passer le concours d’entrée en école
d’orthophonie. Je l’ai donc préparé très rapidement pour le passer l’année de
mon bac, mais je n’avais pas vraiment l’intention de l’obtenir : c’était
surtout pour avoir une idée de ce qu’il en retournait, et pour confirmer que
c’était à ma portée et ce que je voulais faire. J’avais décidé de faire une
année de prépa après le bac afin d’optimiser mes chances de réussite. Il faut
savoir qu’il existe très peu de prépas publiques, deux à mon souvenir, qui
étaient toutes assez éloignées du domicile familial. Je me suis mise d’accord
avec ma mère pour faire une prépa privée : il n’en existait qu’une dans ma
ville, ce n’était pas forcément la plus réputée mais la faire ailleurs voulait
dire une année de frais (loyer, vie quotidienne…) dans une autre ville sans
savoir si j’allais réussir un concours. N’ayant pas non plus des moyens
astronomiques et la prépa privée coûtant assez cher (environ 2500 à 3000€
l’année) je suis restée dans ma ville. Ce choix n’était donc pas concerné par
les vœux APB, mais j’avais tout de même demandé une fac de Lettres Modernes et
une fac de LLCE, toujours dans ma ville, « au cas où », dans
lesquelles j’avais été acceptée.
Mon arrivée dans les études
supérieures
Après avoir obtenu mon bac L en
2013, j’ai donc commencé mes études supérieures dans un cadre assez
particulier. La prépa était un tout petit bâtiment au cœur de ma ville, loin du
campus et des autres étudiants. Il y avait peu d’élèves (15) et si je n’avais
pas cours tous les jours, les journées étaient bien remplies (souvent du 8h-17h
voire 18h). Les cours étaient intéressants et dans la continuité de mes
études : mis à part les cours de bio, les matières étaient plutôt
littéraires. J’avais donc de la culture générale, de la grammaire, de
l’orthographe, de l’expression écrite et orale et d’autres matières spécifiques
à certains concours (résumé, synthèse de documents…) et nous avions des
concours blancs tous les vendredis. Cela m’a apporté beaucoup, notamment au
niveau de la culture générale et de l’étymologie. Il n’y avait pas beaucoup de
devoirs à proprement parler, mais me contenter de mes cours aurait été une
erreur. Je passais la plupart de mon temps libre à potasser mes bouquins de
préparation aux concours et travaillais assez régulièrement. Les profs nous
encadraient mais c’était à nous de trouver notre organisation, nos méthodes de
travail.
Outre le travail scolaire, cette
année m’a également beaucoup autonomisée : c’est moi qui me suis occupée
de mes trajets, de réserver les chambres d’hôtel dans les villes où je passais
les concours, d’étudier les plans des villes afin de m’y retrouver… Nous nous
arrangions avec les autres filles de ma promo, nous partagions les frais
d’hôtel et nous faisions les trajets ensemble. Ce fut une très bonne
expérience, qui m’a responsabilisé et m’a fait me sentir
« adulte » : du haut de mes 17 ans, j’ai eu l’occasion de
voyager seule mais également de me confronter aux autres et à moi-même.
Mon changement de cursus
Au terme de cette année, j’ai reçu
les résultats des concours que j’avais passés (6 au total) : j’ai été
recalée à la plupart d’entre eux, souvent avec des notes correctes, mais
insuffisantes. J’ai pourtant été admissible à l’écrit de l’un d’entre eux, avant
d’échouer à l’oral. Cet échec a été dur à avaler. Mais, comme je n’avais pas eu
de notes désastreuses non plus et parce que j’étais encore jeune (j’avais un an
d’avance), j’ai décidé de retenter ma chance l’année suivante.
Je n’ai en revanche pas souhaité ne
rien faire pendant cette année-là, alors j’étais repassée par la case APB et
suis entrée à la rentrée en fac de Lettres Modernes. Le système de la fac est
très différent de celui du lycée et différent de celui de la prépa, mais comme
j’étais dans une fac « à taille humaine », je ne m’y suis pas noyée.
L’autonomie est très importante à la fac car c’est un milieu très libre :
personne n’est là pour vérifier la présence dans la plupart des cours et si
l’on décide de ne pas travailler, personne ne vient nous enguirlander. Il est
donc très facile de se laisser aller et de faire comme bon nous semble. Mais
j’ai assez vite pris le coup, moi qui avais toujours cru que la fac n’était pas
faite pour moi. Je travaillais correctement, sans trop en faire non plus, mais
la prépa m’avait au moins servi à cela : adopter une certaine rigueur dans
mon travail. Je faisais la plupart des devoirs facultatifs pour m’entraîner et
j’ai redécouvert des matières que je n’avais plus étudiées depuis le collège
(le latin !). Pour les partiels, nous avions une semaine de révisions préalable
que j’occupais à réviser avec mes amis. Travailler en groupe, lorsqu’on le fait
sérieusement, est très stimulant. Nous avions créé des jeux (comme un Time’s Up
pour réviser le vocabulaire de latin, par exemple) et cela m’a vraiment permis
de réviser à la fois de manière ludique et efficace. Globalement, ce fut une
année très agréable.
En parallèle, je continuais à
travailler les concours de mon côté et en ai passé trois. Je me suis également
réinscrite sur APB car j’avais décidé que, cette fois, si je ne réussissais pas
de concours et que j’étais acceptée, j’irai en DUT Métiers du Livre et du
Patrimoine afin d’exercer ensuite le métier de bibliothécaire qui était resté
tout ce temps dans un coin de ma tête. Ces formations étant accessibles sur
dossier, je n’ai pas eu à travailler spécifiquement.
Les mois d’avril et de mai ont été
chargés : j’ai à nouveau parcouru la France d’est en ouest pour passer les
concours d’entrée en école d’orthophonie mais également les entretiens de
motivation pour deux des trois villes dans lesquelles j’avais demandé un DUT,
le tout en pleine période de partiels à la fac !
Changement de parcours :
encore un !
Finalement, j’ai obtenu ma première
année de licence de Lettres Modernes, ai été reçue à l’oral du même concours
que l’année précédente (auquel j’ai de nouveau échoué, traçant un trait
définitif sur l’orthophonie) et obtenu une place en DUT ainsi qu’une place sur
liste d’attente pour un autre. J’ai accepté celui qui m’avait prise d’office,
ne voulant pas trop patienter pour organiser ma vie future : j’allais
enfin changer de ville, de cadre et découvrir quelque chose de nouveau. Je
crois que ce changement de parcours m’a été salutaire : passer une année
de plus chez mes parents m’aurait rendue folle et probablement improductive.
J’avais besoin d’autonomie et de quitter une ville qui me rappelait, en
quelques sortes, mon échec au concours d’entrée en école d’orthophonie.
Actuellement…
Je suis donc en deuxième année de
DUT Métiers du Livre et du Patrimoine, spécialité Bibliothèque. Si j’ai été déçue
de la formation en elle-même (la plupart des enseignements sont très techniques
– normal pour un Diplôme Universitaire de Technologie – et les matières plus
« culture générale » m’ont manquées en première année), les
enseignements sont très ancrés dans le réel car il s’agît d’un diplôme
professionnalisant. Du coup, les méthodes de travail sont très différentes de mes
formations passées : beaucoup de travail de groupe (très peu présents en
prépa et fac) et l’évaluation qui est uniquement composée de contrôles continus
(contrairement aux partiels de la fac). Je travaille paradoxalement moins qu’en
fac, mon organisation s’approche plus de ce qu’elle était au lycée, mais
effectuer une telle formation me permet aussi de faire des stages (choses que je
n’avais pas eues à faire depuis la troisième) et avoir une vision concrète du
métier que je souhaite exercer. J’ai eu la chance d’obtenir mon stage de
première année à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, alors que je
suis dans un petit IUT de province, mais ce qui m’intéresse pour ma deuxième et
dernière année est de voir le fonctionnement d’une bibliothèque de taille
moyenne, de quartier, car c’est surtout l’aspect « médiation
culturelle » de ces structures qui m’intéresse. Je compte également faire
une année à l’étranger puis une licence professionnelle avant de me lancer dans
le monde du travail.
Le seul conseil que je puisse
donner, c’est qu’il ne fait jamais se décourager, même (et surtout) face à
l’échec car ce sont des choses qui arrivent et il n’y a rien de grave à cela.
Se réorienter, tâtonner avant de trouver notre voie n’est pas une mauvaise
chose, bien au contraire !
Le parcours de Jéhanne peut motiver certains à prendre la voie de l'orthophonie, du DUT...je pense surtout qu'il nous apprend qu'il ne faut pas se décourager, qu'il faut apprendre à changer de voie quand cela devient obligatoire, et surtout, que la fac demande sa part d'organisation !
Si vous connaissez des gens qui hésitent autour de leur orientation, n'hésitez pas et partagez avec eux ! Vous sauverez peut-être des terminales !
Anissa E.
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