Un jour, un parcours: Solenn, 22 ans, futur professeur de lettres après un Bac S

02:58:00

Comment les choses se passent quand on décide de quitter le bac scientifique pour poursuivre des études littéraires ? Par curiosité, par passion, par simple erreur dans notre parcours...changer de voie après le Bac S est assez courant, si cela n'est parfois motivé par l'idée : le bac S m'ouvre le maximum de portes! Et bien on commence ici une série d'articles sur la réorientation des bacheliers S qui font aujourd'hui des études littéraires.

Solenn est une jeune femme que j'ai rencontrée en cours d'anglais à la Sorbonne : deux trois conversations m'ont convaincue que je rencontrais là une personne très chouette, cultivée et intéressante (j'ai ainsi appris qu'elle a vécu dans un tas de pays chouettes et qu'il y avait des singes en liberté à Djibouti, mais je m'égare...). Elle nous parle ici de son parcours, de sa vocation littéraire malgré un Bac S et de ses projets :) 


"En CM2, ayant souvent eu l’occasion et aimant aider les autres, admirant ma maîtresse, je me suis dit que je voulais être professeur plus tard. Et ce souhait n’a jamais varié par la suite. Bien sûr, pendant de cours moments, je me suis dit « et bibliothécaire ? et documentaliste ? », mais cela n’a pas duré bien longtemps : j’ai toujours voulu travailler plus tard dans les livres et aider les gens, et le métier de professeur m’a toujours paru le métier parfait pour ça. Alors, très tôt, j’ai eu ce profil « littéraire ». Mais je n’ai pourtant pas choisi le bac L : j’étais une bonne élève, et la classe de L de mon lycée n’était pas valorisée du tout (pas d’options proposées comme du grec, du théâtre,…) et on m’a dit de faire un Bac S puis d’aller en prépa littéraire. 

J’étais curieuse de tout et j’aimais toutes les matières, et, comme mon professeur de philosophie au lycée, je suis opposée au discours qui oppose les sciences et les sciences humaines, qui dénonce des « faux littéraires », ou des « faux scientifiques », sous prétexte que certains profils littéraires atterrissent en S, et que des scientifiques soient doués en classe de français. Alors, pour rester dans le littéraire et le scientifique qui m’intéressait et qui aide considérablement aux lettres (dans l’esprit structuré pour les dissertations, pour la logique de la version latine,..), j’ai décidé de faire une prépa littéraire B/L. J’ai toujours su ce que je voulais faire, mais mes professeurs me poussaient à faire des études dont je n’avais pas envie, telles que Science Po ou une grande fac parisienne (or je voulais faire des études que j’aimais, sans être transformée en cheval de course qui serait lessivé au bout de deux ans), sous prétexte que j’étais bonne élève : ce critère n’est pas LE critère pour choisir ses études, et j’ai tenu bon, soutenue par ma famille contre les reproches de « manque d’ambition ». Cependant, ne pas avoir de doutes sur son orientation est bien loin d’être le cas de la majorité des bacheliers et des étudiants dans les premières années de supérieur. Alors ça peut être démotivant et l’on peut se perdre devant l’éventail de  choix qui s’offre à nous à la fin du lycée. Un conseil : il faut toujours se rapporter à ce qu’on aime, il ne faut pas choisir une filière pour sa prestance ou sa facilité, car c’est se sentir passionné par le but final qui aide à passer les épreuves, l’ennui, le doute,… Je me souviens également que l’on devait faire un stage en Première : le mieux est de profiter de ce stage pour mettre ou éliminer un métier sur sa liste. Ainsi, j’hésitais à l’époque entre documentaliste et professeur. J’ai fait un stage dans le CDI d’un autre lycée et j’ai découvert que ce n’était pas fait pour moi : c’est une expérience positive, car elle a renforcée mon désir d’être professeur.

Pour rentrer dans les détails, mes choix sur APB étaient la prépa B/L à Faidherbe, choix que j’ai obtenu, puis la fac à Lille. Je tiens à prévenir : il faut s’attendre à un gros décalage entre le travail demandé au lycée, et le travail indispensable en prépa. Mes professeurs m’avaient prévenue, et j’ai ainsi calmement pris, dès le début, pour normale la chute drastique des notes que connaissent tous les étudiants de prépa. Ces deux années de prépa ont été et resteront des années particulières dans ma vie : elles marquent l’entrée dans le supérieur, l’autonomie complète dans la gestion du travail et du stress, mais aussi le début d’amitiés très solides, car ces dures années de labeur rapprochent incroyablement les gens ! En tous points, ces deux ans furent intenses, et cette prépa est géniale ! Les traditions qu’on y trouve (les calots, les chants et les événements de promo, …) aident à décompresser, à rire et à se serrer les coudes, car nous sommes tous dans le même bateau !

Ensuite, je me suis inscrite en Licence de Lettres Modernes à la Sorbonne, dans la suite logique de mes études pour devenir professeur de français, et une difficulté de la vie étudiante me sauta aux yeux, renforcée par le décalage avec cette intensité que j’avais connue : la première professeure que nous avons eue nous a prévenus, la fac est anonyme, et, si l’on a peu d’heures de cours, le travail à fournir par nous-mêmes reste non négligeable. Noyée dans les grands amphis au nombre incalculable d’élèves, j’ai pourtant très vite réussi à me faire des amies de fac, ainsi qu’à retrouver des amis de prépa. Quant au travail, la vie à la fac est bien moins « scolaire » que celle de la prépa qui pourrait ressembler à un cocon : la fac nous donne la dimension adulte du travail, que nous gérons et nous donnons nous-mêmes. Il ne faut pas hésiter à travailler à la bibliothèque, pour, premièrement travailler beaucoup (l’indépendance donnée par le système peut devenir un piège), et faire des connaissances. La Sorbonne est, à mon avis, une très bonne fac où l’on peut se sentir chez soi malgré le monde qui s’y croise chaque jour, qui nous surprend toujours par ses salles dérobées que l’on doit chercher comme à Poudlard, par ses bibliothèques aux mille et un livres, …
 
La Bibliothèque Ascoli, dans la Sorbonne, petite bibliothèque chaleureuse où j’adore aller travailler !
De plus, j’ai fait dès la première année en fac un planning, qui concilie le travail et la vie étudiante. Un conseil que je pourrais donner est de se trouver une activité régulière extra-scolaire, une association, du sport, …, pour garder sa motivation dans les études. En découvrant mon quartier parisien, je suis ainsi tombée sur un centre social qui recherchait des bénévoles pour l’accompagnement aux devoirs des enfants, et je me suis lancée, et cela fait bientôt trois ans que je m’éclate dans cette activité qui a lieu une fois par semaine ! Cela m’a permis de lier amitié avec des gens du quartier et les enfants. Dans les moments difficiles, où je doutais de mon niveau par rapport aux autres, de doutes ou de partiels, cette activité me rappelle mon but et me motive !

Aujourd’hui, je suis en Master 2 de Recherche en littérature dans cette même Sorbonne, voie pour tenter l’année prochaine les concours de l’enseignement, l’agrégation et le CAPES de Lettres Modernes. Quelques inquiétudes sur ma capacité à les réussir commencent à poindre, car j’arrive à un tournant, la fin des études supérieures : heureusement, ma famille, mes amis, mes activités, mes sorties, et les livres m’aident à tenir mon cap ! Parmi mes livres préférés figurent Dracula de Bram Stocker, la série des Spooks avec lesquels je m’évade, la saga de mon enfance, Ewilan, qu’il m’arrive de relire et qui donne une impression de chaleur et de familiarité, et, dans les classiques, Le Père Goriot, qui fut mon déclic, qui me révéla le sens du mot « littérature » en Première S."



Mais elle écrit pas trop bien notre petite Solenn ? Si on doit retenir une chose important de son parcours, c'est bien la poursuite d'un but, l'organisation et l'importance de la détente afin de réussir ! Souhaitons à Solenn toutes ses chances à l'agrégation ! 

Bachelier en S avec une petite envie d'aller faire des études littéraires ? Parle nous de tes doutes en commentaires ! Des idées à ajouter ? N'hésite pas ! 


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1 commentaires

  1. Hello Anissa !
    Vraiment sympa d'interviewer des gens avec un parcours atypique !
    Je trouve ça motivant et bravo à Solenn !
    Je t'embrasse
    Marianne

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