Comment obtient-on un 20/20 en composition française ?
02:21:00
Le titre racoleur de cet article n’est pas un mensonge ! J'ai réellement obtenu un 20/20 à la composition française du CAPES en m’entraînant comme je l'expliquais dans ce précédent article. Cet article s'adresse à tous ceux qui ont rencontré ou rencontrent des problèmes avec cet exercice, khâgneux ou préparateurs du CAPES!
Une des principales raisons pour lesquelles j’ai créé ce
blog était de partager ma méthodologie de la dissertation. Non pas parce que c’est
une chose innée en moi, ou que j’ai toujours réussi à en faire, mais parce que
je reviens de loin en terme de difficultés dans le domaine !
C’est en deuxième année de classe préparatoire que je me
suis rendue compte à quel point je n’étais pas capable de produire une bonne
dissertation : je pense que ma professeur précédente a excusé beaucoup de fautes face à la bonne maîtrise que j'avais de plusieurs œuvres littéraires, mais elle n'aurait jamais dû. L'année du concours de l'Ecole Normale Supérieure, je me suis retrouvée à enchaîner les 5 et les 6 sur 20. Un dernier 6/20, accompagné d'un commentaire très salé de ma professeur m'a donné l'envie de l'étrangler froidement et la jeter dans le lac de notre lycée de comprendre mes erreurs.J'ai alors repéré mes principaux problèmes qui étaient assez simples
 |
| Baby don't hurt me, don't hurt me, no more |
- je n'utilisais jamais tout le temps qui m'était donné.
- je ne me mettais jamais en tête qu'il fallait que je parcours un cheminement logique.
- je n'avais pas une bonne maîtrise des œuvres et des textes théoriques.
- je n'analysais pas convenablement la citation donnée !
Je commencerai avec un point essentiel : la dissertation demande une analyse parfaite de la citation qui vous est donnée! Nul besoin de connaitre la vie de l'auteur concerné, de paniquer à la vue d'un nom inconnu...ce qui doit avant tout vous intéresser, c'est la citation.
Mon père, qui a fait des études scientifiques, a souvent dénigré la rigueur avec laquelle un professeur ou un élève traite une dissertation...pour lui avoir souvent montré mon désaccord, j'ai fini par penser la dissertation comme quelque chose de mathématique! Et c'est ce que je vous conseille: ne la prenez pas comme relative au professeur, comme un fourre-tout insensé. Une dissertation est une véritable équation : trois parties, trois sous parties, des idées données de manière graduelle, trois heures de brouillon, trois heures de rédaction! Je vais ici m'appliquer à donner ma méthode pour analyser, organiser et rédiger la dissertation !
I. La phase brouillon (2h40 à 3h) (oui oui ce plan sera fait comme une dissertation)
Comme expliqué plus tôt certaines choses ne sont pas négociables, et un gros brouillon en fait partie ! Cette phase brouillon réunit aussi bien l'analyse du sujet, la recherche d'exemples et l'établissement d'un plan.
a. l'analyse du sujet :
Tu es face à ton sujet et tu ne sais pas encore comment en sortir : un plan thèse antithèse synthèse, thèse thèse thèse, et puis on t'a dit que thèse antithèse synthèse était trop simple...pas de panique ! Une méthode que j'ai trouvée est de diviser ta citation en trois parts : A, B, C (pas 1 2 3 cela pourrait te perturber et ne pas t'amener à changer l'ordre des trois parts). Aide toi des connecteurs logiques, qui sont les articulations de ta citation : "or", "pourtant", sont tout autant de moyen de repérer où les thèses commencent et finissent. Parmi ces trois parts, tu dois distinguer la thèse de l'auteur : le plus souvent, il existe des phrases ou des mots autour pour la contrer, la discuter ou la mettre en valeur. Garde les en tête mais fais toujours en sorte de d'abord repérer la thèse de l'auteur : c'est celle que tu dois avoir compris, celle que, même si on te le demande, tu ne pourras jamais nier totalement ! L'auteur l'a écrite, il a forcément raison d'une certaine manière. Même s'il n'est qu'une voix dans le concert de théories, il reste tout de même une voix dans cette citation précise. C'est d'ailleurs ce qui va t'empêcher de proposer le plan bateau et universel qui n'appartient pas exclusivement à ton sujet.
Quand tu l'as repérée, sache qu'il existe forcément autour d'elle un indice de la thèse contraire, ainsi qu'un moyen de dépasser ce couple thèse-antithèse. C'est ce que j'appelle "le nouvel horizon" de la composition, c'est ce moyen de se dire "Non mais l'auteur a raison parce qu'il a pris en compte cela...". Il y a dans les trois parts de la citation des mots plus intéressants que les autres; le plus souvent, on relève le raisonnement par le repérage d'un terme précis, d'une idée vraiment singulière.
Il faut rapidement formuler dans sa tête ou sur papier la manière avec laquelle on a compris chacune des thèses et leur articulation en se disant des choses comme "Malgré x idée, tel auteur arrive à dire cela parce qu'il prend en compte ceci", ou encore, pour mieux suivre le raisonnement d'une dissertation "tel auteur dit cela bien que la thèse x soit courante, car il prend en compte cela".
La problématique ressemble en beaucoup de points au plan...alors, je sais que certains professeurs parlent parfois de supprimer le plan si on a du mal à le formuler ou si la problématique est assez bonne mais : NON! Je le rappelle, la dissertation c'est mathématique, alors il est préférable que tous les éléments soient présents.
Donc, la problématique est assez proche du plan histoire qu'elle ne soit pas trop générale, éloignée du sujet, mais surtout parce que le problème vient d'oppositions entre des thèses ! Quoi de plus simple que de le retrouver explicitement formulé!
b. le plan :
J'ai littéralement envie de sauter partout tant je suis pressée de partager cette astuce puisque je sais qu'elle marche !
La recherche d'idée se fait en notant absolument tout ce qui nous vient dans la tête. Si tu es chez toi, utilise autant de papier que tu veux, si tu es en concours, embête les surveillants ils sont là pour ça! Bon, inutile d'écrire des bêtises, mais note :
- les grandes idées qui te viennent en tête
- de bonnes formulations que tu aimerais écrire et qui te viennent alors
- les citations qui vont avec le sujet et que tu as peur d"oublier tant tu en as apprises
N'hésite pas à placer des flèches, à rayer, surligner... Mais, pour l'avoir vu chez une amie de classe préparatoire qui avait très peu d'assurance, n'écris jamais au crayon à papier : elle passait son temps à gommer, supprimer ce qu'elle croyait être mauvais et ce n'est pas du tout une bonne idée. Il vaut mieux tout noter, même ce qui nous parait faux.
Après avoir fait cela, reprends les grandes idées que tu avais repérées dans ta citation : il s'agit là de ton plan, qui est le plus souvent A. la thèse de l'auteur, B. la thèse contraire C. Note les sur une feuille l'une après l'autre, et associe leur une couleur : tu peux prendre un feutre et les surligner par exemple. Tu reprends tout ton paquet d'idées et citations et tu les pointes ! Je m'explique : tu n'as fait que s’enchaîner les idées, mais pour avoir de quoi remplir ton plan, fais un peu de tri dans tes idées, en les pointant de la couleur qui correspond à chacune des parties.
Les idées s'enchaînent de la manière suivante : la première partie est souvent la partie où tu imposes la thèse de l'auteur : elle commence par l'argument le plus fort, pour finir sur l'argument le plus faible, ce qui te permettra d'amener doucement la deuxième partie. Ainsi le plan se décompose de la manière suivante.
Partie 1 : thèse de l'auteur
A. +++
B. ++
C. +
Partie 2 : thèse inverse (on commence alors avec un argument faible, histoire de ne pas complètement démonter l'argumentation qui précédait)
Partie 2 : antithèse
A. +
B. ++
C. +++
La partie 3 relève l'argumentation et ne demande pas vraiment d'obéir à une logique d'arguments graduellement données. C'est ici que la dissertation se joue, puisqu'une opposition de thèses contraires ne peut pas régler le moindre problème !
Partie 3 : résolution (ou synthèse, mais je n'aime pas trop cette idée)
A. +++
B. +++
C. +++
Il faut absolument enchaîner les idées fortes, mais éviter de finir sur des choses hors sujet, ce qui peut être tentant. La troisième partie n'est pas un fourre-tout ! Il faut se poser toujours la même question le long du devoir : suis-je en train de répondre à ma problématique ?
Une fois les arguments distingués, il n'est pas possible de commencer le devoir avec autant d'informations jetées pèle-mêle sur des feuilles volantes. Ma technique habituelle est de prendre une dernière feuille, de la diviser en neuf cases et de prendre chaque ligne de trois cases comme le plan de ma partie. Je note alors mes idées, mes exemples, les formulations qui me plaisent mais surtout, quelques mots clés de transition.
c. Les brouillons rédigés.
Quelques brouillons doivent être entièrement rédigés. Ce n'est pas une perte de temps. L'introduction et la conclusion doivent être parfaites ! N'allez pas croire que la légende selon laquelle on peut noter une copie à la lecture d'une introduction est vraie, mais celle ci annonce la couleur. On doit y distinguer:
- une accroche (dans le cas des copies de concours de l'ENS, une citation d'un autre livre de l'auteur, ou d'une des œuvres au programme fait son effet).
- l'amorce du plan "C'est ce que semble penser Milan Kundera, Ionesco... dans son propos".
- La citation COMPLETE (j'insiste sur ce point car vous pourriez par erreur, montrer à votre correcteur que vous n'avez pas pris en compte un mot, un bout de phrase importants).
- l'analyse du sujet, avec la démonstration d'un véritable souci face à cette citation -elle vous a fait ch*** pendant trois heures, alors montrez le par des termes comme "Ce qui semble problématique ici"-.
- La problématique qui reprend la formulation du plan "Nous nous demanderons comment malgré B, on peut penser A, grâce à C ?" Bien entendu, la problématique se formule de manière beaucoup plus impersonnelle, en étant sensible aux mots particuliers utilisés par l'auteur.
- Le plan ne dévoile pas tout le devoir, mais amorce les différents angles qui seront approchés lors du devoir. Ma formulation favorite reste "S'il nous faut voir A, l'on ne peut rester insensible à l'idée que B. Pourtant, par l'évocation de -un mot dans C-, l'auteur nous fait suggérer que -indice de C-".
Les transitions sont les articulations du devoir : elles sont très importantes! Autant les rédiger, ou au moins, savoir ce qu'elles doivent contenir.
Enfin, il vaut mieux rédiger au brouillon sa conclusion : quand vous êtes à la toute fin de l'heure réglementaire et que vous n'avez toujours pas fini votre troisième partie, ne pensez pas à éliminer ta dernière sous partie, c'est caca. En rédigeant ta conclusion, tu n'as plus qu'à la recopier à la fin! Et puis cela permet de ne pas être tenté de tout changer au dernier moment!
II. La phase rédaction (3h à 3h20).
Tes brouillons sont prêts, ton plan aussi, tu as déjà mangé les trois quarts de ton paquet de Pépito mais tu es prêt(e) pour rédiger !
Bon je donne des conseils bêtes mais : stylo plume bleu, alinéa, devoir aéré au possible ! Mes dissertations sur copies doubles font en moyenne quatre copies doubles! Il ne faut pas hésiter à rendre un devoir le plus agréable possible !
Le développement des arguments, ou sous parties se fait idéalement de la manière suivante : rappel de la place dans le raisonnement (je n'hésite pas à commencer les parties en re-citant l'auteur de la citation, avec des reprises de termes puis la reformulation de l'idée ou de la problématique), argumentation, exemple, explication de l'exemple, amorce vers le prochain argument.
L'exemple se choisit dès la construction du plan : il doit idéalement être le plus précis possible, et quitte à choisir entre deux exemples, autant toujours prendre le plus pertinent et le plus singulier. Comme je l'avais déjà expliqué dans mon article sur la préparation de l'épreuve de Composition française au CAPES, le meilleur exemple est l'exemple bien maîtrisé. Pensez d'abord -pas dans le cas du concours de l'ENS même si des exemples externes ne sont pas interdits- à vos lectures, aux textes que vous avez compris. Si l'on peut parfois être tentés de parler de peintures, de musique ou de cinéma, je te conseille plutôt de l'éviter : un argument venant d'un autre milieu artistique "vole toujours la place" d'un argument littéraire !
Je conseille de toujours relire sa copie avant d'écrire la conclusion! Cela permet de se forcer à prendre un véritable temps pour la relecture, pas seulement un temps relatif au retard que l'on a pu prendre, et surtout, votre conclusion ne vous parle vraiment plus après avoir rédigé pendant trois heures. Même si je te déconseille de changer tes idées, il y a toujours des modifications de dernière minute à faire !
III. Les questions/remarques que j'ai recueillies :
Comment on fait pour avoir 20/20 en composition ?
On n'a jamais 20/20 dès le premier coup ! On commence avec de très sales notes, mais on essaye de comprendre nos défauts : je notais les remarques de mes profs, j'allais voir ma prof de khâgne très souvent pour comprendre ce qui n'allait pas ! Je n'ai pas lu de livres sur le sujet, j'ai lu des copies de camarades de classe qui faisaient de très bonnes copies -Coucou Zoé- et je prenais absolument tout ce que mes professeurs me donnaient : conseils, citations, textes, livres dont on parlait en colle, en classe... Il faut vraiment utiliser tout ce qu'on nous donne et être conscient et réaliste à propos de nos difficultés !
Je suis trop lente ...
Il faut diviser son temps dès le début de la composition :) une heure d'analyse, deux heures de plan, recherche d'idées, trois heures de rédaction ! Les gens les plus lents sont ceux qui ne se font pas confiance, mais je parle ici d'expérience : si on a bien révisé, on a souvent de bonnes intuitions !
"Ma peur du hors sujet laisse ma partie très maigre"
La troisième partie est omniprésente dès l'analyse du sujet, c'est elle qui aide à répondre au devoir complet ! Ne formule pas ta problématique comme une opposition entre deux thèses -ta troisième partie sera alors forcément HS- mais comme prenant en compte la troisième partie ! C'est -dans le cas du concours de L'ENS- celle qui permet d'exposer les analyses les plus fines des oeuvres, et dans le cas d'autres concours, celle où l'on dépasse complètement les oppositions binaires!
Je suis très contente d'avoir écrit cet article qui me tenait très à cœur depuis longtemps ! J'espère avoir répondu à beaucoup de doutes, d'hésitations autour du sujet et je reste évidemment disponible pour répondre aux questions (par contre je ne fais pas les devoirs particuliers) :)
Et toi, quels sont les problèmes que tu rencontres en dissertation ? En parles tu assez à tes professeurs ?
Je réponds aux questions sur la page Facebook du blog, ainsi que par mail (anissaessamkaoui@gmail.com) A très vite !!
Je réponds aux questions sur la page Facebook du blog, ainsi que par mail (anissaessamkaoui@gmail.com) A très vite !!
1 commentaires
Très bon article, la partie rhétorique concernant la construction du plan est très complète et efficace, en revanche, à propos de la rédaction, tu as oublié de dire à quel point la dissertation n'est pas une histoire de fond mais surtout de forme : l'important n'est pas de proposer quelque chose de profond, mais de réussir à adapter votre bagage de citations et de théories littéraires aux termes du sujets. En vérité, c'est dans la formulation, la capacité à manipuler le lecteur pour lui faire croire à un lien pertinent entre votre citation et le sujet, qui est décisive dans cet exercice. D'expérience, vouloir proposer une copie dotée d'une réflexion littéraire, même très complexe, est beaucoup moins efficace que de proposer des arguments moyens, des lieux communs (sauf pour la troisième partie où de l'originalité et une vision plus pénétrante des oeuvres sont appréciées) tournés de manière à coller au sujet. Pour conclure, il faut bien se souvenir que tout concours littéraire n'attend pas des connaissances, ni une réflexion personnelle (de toute façon, comment exposer sa pensée et tout ce que l'on sait en 6h), mais une méthode, une façon de penser et d'organiser : la dissertation est, par essence, un exercice rhétorique, et rien de plus.
RépondreSupprimer